Lecture : “Merhaba” de Julien Heylbroeck

Dans une ville quelque part en France, Thomas aide, au sein d’une petite association, les demandeurs d’asile de toutes origines. Un de ses protégés, un érythréen fuyant la terrible dictature de son pays, est retrouvé mort, tabassé et poignardé, dans le squat qu’il occupait avec quelques compatriotes. Ceux-ci ayant fui, la police conclut au règlement de compte entre réfugiés. Mais pour Thomas, ça ne colle pas et il commence seul une dangereuse enquête…

Le nouveau roman de Julien Heylbroeck est une réussite enthousiasmante, qu’on reçoit comme une gifle et qui se lit d’une traite, comme en état d’urgence. Avec sa narration exclusivement au présent, Merhaba va vite et frappe fort. On sent la volonté de l’auteur d’aller à l’essentiel,  de mettre le nerf à vif, de racler l’os. C’est méchamment efficace.

Le choix du polar pour raconter le quotidien des demandeurs d’asile s’impose comme une évidence. Pour autant, Merhaba n’est pas un tract ou un manifeste. C’est indubitablement une de ses forces, même si la colère permanente qui ronge le héros est sans doute le reflet de celle de l’auteur et s’avère sacrément communicative. Rappelons en effet que c’est l’expérience professionnelle de Julien, lui-même travailleur social, qui irrigue le roman. Mais jamais le message ne vient occulter l’histoire ou instrumentaliser celle-ci. N’en reste pas moins que la situation de ces réfugiés, et de ceux qui tentent de les aider, est d’autant plus édifiante qu’on l’imagine d’une affligeante banalité. A vrai dire, je ne connaissais que par quelques brèves radiophoniques la situation en Érythrée et le roman m’a incité à me renseigner, à découvrir l’un des pays les plus répressifs au monde, une population sacrifiée à la folie de son dirigeant. Inutile de dire que rien, dans le livre, n’est exagéré. 

Une fois refermé Merhaba, on se prend presque à regretter que, dans sa recherche d’efficacité, l’auteur ne donne pas plus de chair à couper à sa lame. On aurait aimé voir plus en détail le quotidien des réfugiés et des travailleurs sociaux, passer plus de temps en compagnie de Thomas, en savoir plus sur certains personnages (comme l’excellent Lomali Magomedov). Il en résulte que quelques protagonistes manquent un peu de profondeur et semblent réduits à leur utilité dans l’intrigue (le copain geek casseur de cryptage, la jolie journaliste)… C’est la seule petite critique que je formulerais à l’endroit de cet excellent bouquin.

A quand le prochain, Julien ? 

Merhaba
un roman de Julien Heylbroeck
edité par NaOH

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